CONTE DE NOËL "IL Y A DES ÉTOILES" Conte de Noël à la façon de Hans Christian Andersen de Gabrielle DuBasqui
L’homme a 43 ans. Petit et mince, le regard perdu dans un songe intérieur, il arrange un bouquet de fleurs. Un peu de couleur dans l’obscurité de cette soirée d’hiver. Un peu de joie. Un peu d’espoir. C’est le soir de Noël. Noël 1942.
— Firmin ! Firmin !
Denis, son frère, et Louis Antico, son ami, secouent l’homme par l’épaule. Ils semblent le tirer d’un rêve éveillé.
— Firmin, la nuit est tombée, il faut rentrer.
— Non, la nuit n’est pas tout à fait tombée. J’ai fait un rêve, un rêve de lumière.
Ils n’ont pas encore assassiné les rêves. Écoutez plutôt.
Ici, nous sommes dans un atelier de céramique et je vois des hommes et des femme penchés sur des tours de potiers. Ils accompagneront notre famille pendant de nombreuses années. Eugène, Daniel, Françoise… Regardez-les ! Il désigne un atelier encombré de pots d’émail, de pinceaux, de poteries, d’assiettes, de tabliers maculés de terre et de couleurs. Et la flamme d’un four, première étoile dans la pénombre : celle qui guide le rêve de Firmin Bauby.
L’enthousiasme de l’homme est communicatif, ses compagnons en toucheraient presque les tableaux qu’il décrit.
Sant Vicens attirera des artistes prestigieux, de ceux qui marquent leur temps. Ouvrez grand les yeux.
Là-bas, parmi les chalands et les pêcheurs qui rentrent au port, pleins d’allant, chargés de corbeilles remplies à ras à bord de poissons, l’homme à la marinière, c’est… Pablo Picasso. Il adore la pêche et participe à la criée. Incroyable…
Plus loin, dans le parc, des joueurs de pétanque ont le verbe haut. Se disputent-ils le point ? Non, pas vraiment, pas du tout. Mais quelle verve ! Gustave Violet et Louis Bausil s’affairent autour du terrain de boules, discutent sculpture et peinture, au son du tambourin de Charles Trenet qui lui, chante la joie retrouvée.
Le refrain bien connu d’avant-guerre résonne soudain dans les dernières lueurs du 24 décembre 1942.
Y’a de la joie, bonjour bonjour les hirondelles, y’a de la joie…
Et la joie, elle éclabousse les tableaux des peintres installés eux-aussi dans le jardin de Sant Vicens, Dali, Lurçat… un monde étrange et imaginaire émerge sur les toiles, les cartons, les croquis, les dessins… un monde qui se moque de l’avenir cadenassé et des interdits de cette fin d’année.
La joie bondit, court et gagne le groupe de jardiniers, plus bas, et celui des enfants qui jouent, protégés le temps d’une parenthèse fragile, suspendue, du danger et de l’effroi tapis alentour.
Puis, telle une étoile filante, elle effleure la manche de Jordi Barre. Un air léger et vibrant de cobla envahit alors le sombre atelier. Sous les yeux ébahis des trois hommes, au rythme de musiciens auxquels se mêle Pablo Cazals, se forme une époustouflante ronde de sardane. Mado Antico, Geneviève Duboul, Odette Bauby, François Miro… Conrad Paris ! Ils sont tous là, sourire aux lèvres, pour le grand rêve réalisé de l’atelier de Sant Vicens et un noël aux accents catalans. La ronde se déploie, se déplie, tourne et entraine des vendangeurs surpris vers une cargolade inattendue. Des chiens, des chats, des oies les suivent, tout joyeux.
— Ce n’est qu’un rêve Firmin, la nuit est tombée et l’hiver arrive. Froid et noir.
— Il y a des étoiles, je vous dis qu’il y a des étoiles dans les ténèbres.
L’homme qui a rêvé l’avenir désigne les murs devant lui. Au bout de son index, comme au bout d’un long tunnel sombre, brille une longue et somptueuse fresque étoilée.
C’est Noël. Il y a des étoiles…
La crèche et la boutique sont ouvertes pendant ces fêtes de fin d’année :
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• mardi au samedi de 10h à 12h et de 14h à 19h
• dimanche 14h à 19h